Correspondances de l'École Royale Militaire de Tournon au XVIIIe siècle

Après le succès de l’exposition Autour des photos de classe de 1877 à 1967, s’est tenu le colloque Correspondances de l’École Royale Militaire de Tournon au XVIIIe siècle. Mme Deidre-Dawson, de la Michigan State University était entrée en contact avec M. Besson, proviseur du lycée, et nous raconta comment elle avait découvert plus de cent lettres écrites par Frédéric et Gaspard de Glasson, lorsqu’ils étaient pensionnaires au Lycée militaire de Tournon, à leur mère qui habitait le château de Tullins (38), entre 1786 et 1790.
L’enthousiasme de Mme Dawson, mêlé aux passionnants écrits que nous connaissions de M. Dominique Julia sur la Correspondance entre le supérieur du collège de Tournon et les parents des pensionnaires à la fin du XVIIIe siècle notamment ainsi que la passionnante histoire d’un ouvrage conservé au sein de notre bibliothèque historique, conté par M. Jocteur-Montrozier, la Description de l’Egypte, termina de nous décider à organiser ce colloque, le 28 mai 2005, au Ciné-théâtre de Tournon-sur-Rhône.

Voici des extraits des Actes

« Je ne saurais vous exprimer, Monsieur, avec quel plaisir je remettrai entre vos mains ce que j’ai de plus cher et de plus précieux. Il est fondé sur la haute idée que Mr de la Merlière (notre ancien évêque) m’a donnée de votre mérite, sur ce que mon frère m’en a dit aussi et sur les bonnes relations qu’il m’a faites de votre maison et de l’ordre qui y règne ; ne croyais point que, suivant l’usage de ce siècle, je veuille vous faire des compliments ; je vais vous convaincre en deux mots de ma sincérité ; j’ai perdu il y a environ trois ans la moitié de mon existance par la mort d’un mari que j’aimais plus que moi-même ; je ne supporte la vie que parce qu’elle est utile à mes enfants ; je n’ai que ce seul garçon que j’aime au-delà de toute expression, parce qu’il me représente son père mieux que mes filles ; je ne puis espérer qu’il me dédommagera un jour de sa perte qu’autant qu’il recevra une bonne éducation ; il est bien naturel que je me réjouisse puique je remplis mon but en le mettant dans votre maison. »

Lettre datée d’Apt, 26 juillet 1784, par Catherine de Saporta
p. 159 des Actes du Colloque.

« Nous voudrions bien, Madame, pouvoir entrer dans vos vues en faisant monter votre fils en troisième. Je n’ai rien négligé… pour le mettre à portée de vous procurer cette satisfaction. Tous nos pères et en particulier le père Verdet y prennent le plus grand intérêt. Cependant, d’après les observations réitérées que nous avons faites sur les progrès de Monsieur votre fils et les soins que je lui ai donnés de mon côté, l’affaire me paraît encore bien peu avancée et je n’ose rien vous garantir. Monsieur votre fils convient lui-même que dans sa classe actuelle il y a neuf ou dix qui sont avant lui. Comment pourrions-nous, Madame, sans aller contre l’ordre général, sans inciter peut-être les plaintes des autres écoliers de la même classe, ou de leurs parents, accorder à Monsieur votre fils une promotion qui suppose des progrès sensibles et une supériorité marquée ? D’ailleurs Madame est-ce bien à l’avantage de Monsieur votre fils de le faire paraître aux yeux de Monsieur l’inspecteur dans une classe où il ne tiendrait même un rang passable ? »

Lettre adressée à Madame de Glasson par le père Avice
p. 215 des Actes du Colloque.

La bibliothèque du Lycée de Tournon a la chance de posséder la première édition de la Description de l’Egypte, ouvrage monumental en tous points et reconnu comme l’un des chefs d’œuvre de l’édition française. Cette publication qui assura en son temps le prestige de la France prend place aux côtés de deux grandes entreprises dont elle a failli partager le titre : la Grande Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, publiée de 1751 à 1776 et l’Encyclopédie méthodique, étudiée par Panckoucke entre 1782 et 1832. Aucun pays au monde ne fut étudié comme l’Egypte par une mission scientifique et aucune publication ne put rivaliser avec la Description tant pour la qualité des gravures, le soin de la typographie, que l’éventail des domaines explorés. Grâce à la Description, l’Occident put découvrir l’Egypte sous un autre jour : les démarches systématiques et méthodiques des savants, la précision et la richesse de leurs documents ont fait de la Description une somme irremplaçable.

p. 219 des Actes du Colloque.


Nos intervenants

Directeur de recherches au CNRS, M. Dominique Julia s’est consacré à l’histoire de l’enseignement dans de nombreux articles et dans des ouvrages de référence tel que les Collèges français du xvie au xviiie siècles ou l’Histoire de l’Enfance en Occident, pour ne citer que les publications en relation avec le colloque.
Une grande partie de sa production récente est orientée vers l’histoire religieuse. Cela tient au fait que M. Julia dirige, depuis plus de 10 ans, le centre d’Anthropologie religieuse européenne de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et mène, avec d’autres chercheurs, des enquêtes collectives notamment sur les pèlerinages, les reliques et la liturgie. Dans sa conférence, M. Julia renoue avec l’objet de ses premières recherches, c’est-à-dire l’enseignement à la fin de l’Ancien Régime. Il est d’ailleurs presque familier de ces lieux puisque le lycée a eu l’honneur de l’accueillir en 1986 à l’occasion du 450e anniversaire de sa fondation. Il connaît bien le lycée de Tournon et son histoire comme en témoignent son article sur le Lycée de Tournon pendant la Révolution française, ainsi que son étude sur la correspondance entre les parents des élèves et le supérieur du Collège.

 

Mme Deidre Dawson est en 2005 professeur associé de français à l’Université d’État du Michigan, aux États-Unis. Après avoir étudié à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, elle reçut le doctorat ès Lettres à l’Université de Yale. Elle a été promue Chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques en 1996.
Spécialiste du xviiie siècle, elle est à ce titre secrétaire générale de la Société Internationale d’étude du xviiie siècle. Elle témoigne d’un grand intérêt pour le genre épistolaire. À cet égard, elle a publié plusieurs articles et un ouvrage sur la correspondance de Voltaire.
Le Siècle des Lumières lui a fourni de nombreux thèmes de recherche, que ce soit les échanges philosophiques et littéraires entre l’Écosse et la France ou bien les influences françaises sur Adam Smith. Elle prépare en 2005 un ouvrage sur les lettres de Frédéric et Gaspard de Glasson à leur mère, écrites lorsqu’ils étaient pensionnaires du collège royal militaire de Tournon.

 

Après avoir été responsable des collections patrimoniales de la Bibliothèque de Troyes, puis de celles de la Bibliothèque municipale de Grenoble, M. Jocteur-Montrozier est en 2005 conservateur en chef des imprimés anciens de la Bibliothèque municipale de Lyon.
Il a publié de nombreux articles sur les fonds anciens des bibliothèques, notamment sur Stendhal. Il est d’ailleurs responsable du Musée Stendhal. Ses publications portent aussi sur les savants et hommes célèbres du Dauphiné. Parmi eux, Joseph Fourier et les frères Champollion.
Il a été le coordinateur et le corédacteur de l’ouvrage Mille ans d’écrits : Trésors de la Bibliothèque municipale de Grenoble. Il est aussi l’auteur de plusieurs articles sur les collections lyonnaises et le monde de la bibliophilie lyonnaise du xixe siècle. Il publie régulièrement dans la revue de la Bibliothèque de Lyon, Gryphe.

En 2013, M. Jocteur-Montrozier participe à l’inauguration du meuble-bibliothèque pour la Description de l’Egypte.